Bouffée de Conakry - 4

Quatrième semaine à l’INSE

 

Cette nouvelle semaine a débuté en pleine forme, après avoir escaladé la veille le Kakhoulima avec Lea, Erwan, leur famille et quelques amies. C’était super d’aller en dehors de la ville et de voir tout cette authenticité et cette verdure si belles à si peu de kilomètres de Conakry.

Lundi, j’ai du coup repris tout ce que j’avais déjà commencé les semaines avant, j’ai poursuivi les formations sur l’hygiène de façon plus approfondie avec des spectateurs intéressés et de plus en plus curieux.

J’ai réussi à discuter de l’intérêt, et ça c’est un bon résultat. Nous avons même organisé un atelier d’hygiène avec l’équipe infirmière pour organiser les rôles et responsabiliser les gens. Le grand événement de la semaine fut le début de la formation aux tablettes, celle que nous appelons « HMP » : human measurement project, un des projets pour lesquels je suis là. Ce projet consiste en la prise de photos de nouveau-nés avec une tablette suite à des mesures anthropométriques qui devra se finaliser à la création d’une application universelle et accessible à tous pour suivre des mesures fondamentales pour la croissance de l’enfant comme le poids, la taille et le périmètre crânien, sans balance et centimètre, - tout ça un jour sera possible grâce à un simple clic.

Finalement, nous avons réussi à lancer le projet et à le voir prendre de l’ampleur, avec le retard pris pour cordonner tout le monde, j’espère vivement réussir à faire le plus possible de dossiers pendant ces quatre semaines restantes. Parfois, c’est difficile à expliquer à des parents qui n’ont pas trop de moyens, mais ici les gens sont vraiment incroyables. Ils te font confiance et ils croient en toi, même s’ils ne te connaissent pas. Le rôle du médecin et professionnel de santé est plus que respecté et après des journées de travail très compliqué, c’est très gratifiant de savoir qu’au moins, les parents sont contents de ta présence et qu’ils te font confiance tout simplement sans vouloir aucune démonstration. À ce propos, je vais vous introduire une anecdote.

Au cours de cette semaine, nous avons reçu un bébé en provenance de Labé (ville à 160 km de Conakry mais avec les conditions de la route, probablement à 4h de route), qui nous est parvenu après 1,5 jour de voyage à cause d’un problème routier. Il est arrivé donc à presque sept jours de vie chez nous pour des difficultés alimentaires et des difficultés respiratoires nécessitant la mise en place d’oxygène.

À son arrivée, l’enfant était bien rose, mais présentait de légers signes de difficultés respiratoires accompagnés d’un état fébrile qui nous ont tout de suite poussés à vite le prendre en charge. Cet enfant, appelons le Soaré, a décidé que, dans la salle d’urgence, il faisait trop chaud pour lui et il a vite été transféré dans la salle de moindre urgence où il nous a montré que manger ce n’était pas son point fort. Ça restait très compliqué pour lui, il vomissait à plusieurs reprises tout ce qu’il recevait à tel point qu’il nous a beaucoup inquiétés.

Cet enfant avait complètement échappé à ma supervision, mais mercredi après-midi, en faisant un petit tour des malades (comme j’en ai pris l’habitude, juste pour m’assurer que même ceux qui sont moins malades puissent être bien pris en charge), j’ai été sollicitée par un monsieur très bien habillé en habits traditionnels. Il m’a posé pas mal de questions concernant la situation de ce bébé, avec une explication si exhaustive et claire que j’ai dû lui demander s’il était du métier... Il m’a vite fait comprendre qu’il était quelqu’un de très haut dans la hiérarchie et surtout bien cultivé, mais tout ça avec une façon très humble et respectueuse, sans aucune prétention.

Ça m’a beaucoup impressionné, cet homme d’environ 70 ans était le grand père du bébé et avait amené le fis de sa fille pour espérer lui offrir la vie à Conakry en apprenant par cœur son histoire médicale et en se faisant accompagner par la co-épouse de son beau-fils. Suite à toutes ses explications, au vu de l’état du patient, pas satisfaisant, nous l’avons pris en charge rapidement en lui repositionnant une perfusion, vu les grandes difficultés alimentaires. En parallèle, nous avons observé de près l’alimentation. En raison des difficultés persistantes, sans franche amélioration, et une perte de poids, nous avons décidé de demander des examens complémentaires et un avis chirurgical par la suite, tout en poursuivant notre conduite initiale.

Le bébé a eu droit à plusieurs investigations qui heureusement pour lui se sont avérées toutes normales. Les vomissements et les difficultés alimentaires sont rentrés dans l’ordre après une semaine environ. Elles étaient probablement liées à l’infection que nous avons bien traitée et le bébé, à presque trois semaines de vie, a pu sortir de l’hôpital en bonne santé. À la sortie, le monsieur nous a vraiment beaucoup remercié et félicité. Il était finalement soulagé et heureux de quitter cette situation précaire pour ramener le bébé à sa fille en bonne santé « inshallah ». Détendu et serein, il a pu partir tranquillement.

Ici en Guinée, rien n’est simple, faire quelques kilomètres en voiture peut être une expérience très mauvaise, et peut durer une éternité sans explication ni solution, mais la beauté, c’est que le gens sont tellement habitués qu’ils ne perdent plus patience. C’est seulement le « foté », le blanc qui n’est toujours pas capable d’attendre sans explication, qui a toujours quelque chose prévue et qui, si jamais les choses changent complètement sans préavis, s’énerve très facilement. Donc, au final, c’est nous « les Blancs » qui avons un problème, pas les gens d’ici qui vivent tranquillement et qui ont du s’habituer aux  cafards, aux moustiques, à la saleté, au désordre, ...

Ces gens ont beaucoup de patience et beaucoup de foi qui leur permettent de ne pas perdre le contrôle dans des situations dramatiques, je parle de vie, de mort, de faim, de violence, ...

Bref, encore un enseignement que j’apprends grâce la Guinée, c’est que maintenir le calme et la patience gratifie toujours.

Après une semaine vraiment difficile, car vécue à des rythmes plus que soutenus, j’ai pu me reposer pendant la fin de semaine avec Madame Zenab qui a décidé de m’amener dans la brousse et découvrir sa maison, connaître son mari et sa co-épouse...

Ce fut super ! Une immersion dans la culture, la tradition et les costumes locaux, le tout avec la meilleure compagnie ici en Guinée, Madame Camara !

C’était simplement unique !

Le retour a été long, fatigant mais très riche. Les échanges que nous avons eu pendant la route ont été très enrichissants et très amusants en même temps. Elle est une Dame qui a vécu et souffert beaucoup et qui arrive à donner sans limite à tous. Elle se préoccupe de tout, connaît tout le monde et tout le monde la connaît. Elle est toujours souriante et aime faire des blagues. Elle voit le verre toujours demi-plein, même quand l’espoir est vraiment très très loin. Elle ne s’arrête jamais et la chose la plus belle, elle me soutient à fond et m’aide dans mon chemin d’acclimatisation à la Guinée. Elle croit dans les changements et elle croit en ceux que nous (souffle2vie) sommes en train de faire.

Elle se préoccupe de ma ligne et essaie de m’amener tous les jours un ananas frais, pour ma santé physique et psychique. Elle me comprend et me soutient et ça c’est la plus grande démonstration que je suis au bon endroit au bon moment. Ici, notre aide et soutien est fondamental et je suis très contente de m’en rendre compte de plus en plus.

 

Chaque jour qui passe, je suis de plus en plus consciente que je ne suis pas ici pour rien, et que ce que je suis en train de créer fait partie d’un projet qui va durer mais qui va donner aussi beaucoup de fruits un jour, et ce jour-là, tout le monde sera plus que heureux et moi, cette journée, j’ai envie de la vivre et de la voir arriver…