Bouffée de Conakry - 2

Deuxième semaine à l’INSE :

Voilà une nouvelle aventure qui commence, cette fois sous le soleil avec quelques petites interruptions par la pluie et des orages. Le travail ne nous a pas permis de grandes pauses cette semaine, nous étions très occupés avec de nombreuses nouvelles admissions. Au cours de la semaine, j’ai pu mieux me familiariser avec les médecins et les infirmiers et collaborer de façon plus efficace avec eux pour la prise en charge des patients.

Avec Madame Camara, la cheffe des infirmières, nous avons réorganisé la pharmacie en nettoyant et en repositionnant tout au bon endroit pour rendre les choses plus facilement accessibles. Nous avons même décidé de laver les lunettes à oxygène, ces petites tubulures qui amènent le précieux oxygène dans les narines des enfants en détresse respiratoire, et nous remplaçons les plus abimées par des nouvelles retrouvées avec de grandes difficultés dans différents endroits de l’hôpital.

J’ai tenu différents rôles pendant la semaine, du simple médecin à photographe, comptable, expert pharmacologique, commerçant de désinfectants, ingénieur, ...

Les choses que nous pouvons faire et apprendre à faire ici en Afrique sont impressionnantes car l’improvisation avec du matériel local rend tout possible.

C’est justement grâce à ça que nous avons improvisé avec des tissus locaux des soutiens pour les mères faisant des soins kangourou (portant le bébé peau à peau sur leur poitrine). Bref, ici, le bricolage est bien à l’ordre du jour et il est donc très important de maintenir la fantaisie et créativité bien active afin de poursuivre dans cette invention et improvisation de solutions pratiques et rapides, par contre évidemment pas nécessairement de qualité ou de longue durée, malheureusement.

Cette semaine, une histoire m’a bien remuée. Il s’agit d’un nouveau-né qui a 10 jours de vie et chez qui nous avons diagnostiqué une malformation digestive pour laquelle une intervention chirurgicale serait nécessaire au plus vite. Le nouveau-né a malheureusement un petit poids, moins de 2000g et sa situation de santé n’est pas très stable. Il nécessite également un support d’oxygène. Bref, les conditions pour être pris en charge par les chirurgiens ne sont pas données : il devra gagner davantage en stabilité et en poids. Les parents qui ont été présents à l’hôpital tous les jours, d’abord préoccupés, puis inquiets et finalement très fatigués et impatients, ont décidé qu’ils ne pouvaient plus attendre et sont rentrés à la maison avec leur enfant. Les causes sont multiples : Le père, maçon de profession, ne travaillait plus depuis 12 jours et ne gagnait du coup pas d’argent. En plus, l’hospitalisation a un prix pas négligeable et le bébé est petit et une fin des problèmes n’est pas en vue…Malgré notre insistance pour qu’ils restent à l’hôpital, les parents sont donc quand même partis avec leur bébé dans les bras contre avis médical, disant qu’ils trouveraient eux une solution…..

Cette histoire m’a vraiment détruite, malgré le dévouement, le travail, les efforts pour obtenir une échographie abdominale, les difficultés à alimenter petit à petit ce bébé pour lui faire gagner du poids, avec le constant espoir qu’il puisse être opéré bientôt, les parents ont dû abandonner cette bataille car, ici, les conditions sont différentes…. Ils essaient de retrouver le quotidien de leur vie, le travail, la famille, les repas... en mettant de côté la souffrance qu’ils n’ont malheureusement pas trop le droit de vivre, de façon libre, car ils doivent reprendre leur vie comme si de rien n’était.

Je n’ose même pas imaginer la souffrance qui habite ces gens et la frustration conséquente. La seule chose que je sais, c’est que je vais continuer à me battre afin qu’un patient comme celui-là puisse avoir un jour le bon traitement que les parents aient les moyens d’accompagner leur enfant à travers une telle période.

J’espère que, pour quelque raison que ce soit, les parents vont ramener leur enfant vers la fin de semaine et que je le retrouverai pour poursuivre la bataille avec lui.

Ici, la vie est difficile à tout niveau. Quand des parents arrivent à devoir prendre des décisions comme celle-ci, on se rend compte dans quelle détresse et situation compliquée ils doivent se trouver. Il faut vraiment intervenir de façon urgente afin que ces petits qui viennent de naître puissent avoir le droit aux soins nécessaires et aient une chance de vie. 

La vie est une lutte, mais aidons nous toutes et tous à donner à ces nouveau-nés la possibilité  de saisir leur chance.

 

Paola Valabrega